
Saâd Bouakba révèle des coulisses inédites sur la relation entre Boumediène et Nasser
Le journaliste et chroniqueur algérien Saâd Bouakba a dévoilé de nouveaux détails fascinants concernant les relations algéro-égyptiennes à l’époque des présidents Houari Boumediène et Gamal Abdel Nasser, mettant en lumière le rôle discret mais crucial de l’Algérie dans le soutien à l’Égypte après la défaite de 1967, ainsi que la fermeté de Boumediène face au projet de négociation avec « Israël ».
Dans son article publié le 6 octobre 2025, intitulé « Ce que vous ne savez pas sur la position de Gamal Abdel Nasser vis-à-vis de l’Algérie de Boumediène ! », Bouakba précise que les propos de l’ancien président égyptien ne doivent pas être perçus comme une insulte à l’Algérie, mais plutôt comme une reconnaissance de son attitude honorable et constante en faveur de la cause arabe et de la lutte contre l’occupation israélienne.
Boumediène, un acteur clé après la défaite de 1967
Bouakba explique que l’Algérie n’a jamais accepté l’arrêt des hostilités en 1967 : elle a envoyé un régiment complet, avec armes et équipements, sur le front égyptien après le cessez-le-feu. Selon lui, Boumediène estimait que la défaite militaire ne devait pas signifier la fin de la guerre.
Citant le témoignage de l’officier défunt Halilou, proche de Boumediène, Bouakba rapporte cette phrase prononcée par le président algérien lors d’un appel téléphonique à Nasser après l’attaque israélienne :
« Comment l’armée a-t-elle pu être frappée d’une attaque cérébrale ? Ne cesse pas le combat, ne les laisse pas occuper tout le monde arabe ! Nous mènerons une guerre populaire et nous les vaincrons. »
Bouakba souligne que Boumediène a toujours rejeté toute idée de capitulation ou de négociation, considérant que la défaite devait se transformer en point de départ d’une résistance totale.
Tensions entre Le Caire et Alger
L’auteur retrace les origines des différends entre les deux capitales, rappelant que les relations algéro-égyptiennes s’étaient déjà tendues vers la fin de la guerre de libération en raison de désaccords sur la position du Caire vis-à-vis de la révolution algérienne, ce qui avait conduit le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) à transférer son siège de Le Caire à Tunis.
Ces divergences ont perduré après l’indépendance : Le Caire n’a pas reconnu le coup d’État du 19 juin 1965 qui a renversé Ahmed Ben Bella, le qualifiant d’atteinte aux intérêts arabes en Algérie. La revue militaire algérienne « El Djeïch » avait alors répliqué sévèrement à la position égyptienne.
Malgré ces tensions, Bouakba précise que Boumediène a continué à soutenir l’Égypte, militairement et financièrement, après la défaite, tout en critiquant l’inclination de Nasser vers la négociation avec Israël, notamment à travers le plan Rogers, qu’il considérait comme un renoncement au principe de la résistance.
L’Algérie à l’origine des “trois non” de Khartoum et du soutien à la guerre d’usure
Selon Bouakba, citant des officiers algériens, l’Algérie a joué un rôle majeur dans la conférence de Khartoum (1967), à l’origine du célèbre triple refus :
« Pas de paix, pas de négociation, pas de reconnaissance d’Israël. »
L’Algérie, la Syrie et l’Irak s’étaient engagées à fournir un appui financier important à l’Égypte pour financer la guerre d’usure, mais Boumediène s’est par la suite insurgé contre l’usage des fonds, reprochant à Nasser d’en avoir détourné une partie vers des projets internes plutôt que vers l’effort militaire.
Bouakba évoque également une altercation verbale entre Boumediène et Nasser lors du sommet de Rabat en 1969, lorsque le roi Fayçal demanda à Nasser de rendre compte de l’argent arabe ; Boumediène aurait alors déclaré :
« Cet argent appartient aux peuples arabes. Nous devons leur dire où il a été dépensé. »
Heikal n’a jamais publié l’entretien avec Boumediène
Bouakba révèle en outre que le journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal avait réalisé une longue interview avec Boumediène en 1975 dans le cadre de son projet « Visite à l’Histoire », mais qu’il ne l’a jamais publiée.
Selon Bouakba, Heikal aurait été réticent à diffuser cet entretien en raison de la franchise brutale de Boumediène, notamment sur les positions de l’Égypte dans le conflit arabo-israélien. Le journaliste algérien affirme avoir vérifié cette information auprès de plusieurs sources, dont Yasser Arafat, qui lui a confirmé la nature tendue des relations entre les deux dirigeants, tout en soulignant la position indépendante et intransigeante de l’Algérie vis-à-vis de la cause palestinienne.
Bouakba : “J’aime l’Égypte, mais je suis fier d’être Algérien”
En conclusion, Saâd Bouakba insiste sur le fait qu’il ne nourrit aucune hostilité envers l’Égypte, qu’il respecte profondément comme pilier du monde arabe. Cependant, il revendique avec fierté son attachement à l’Algérie et à ses positions souveraines et indépendantes.
Il ajoute qu’il souhaite un jour visiter l’Égypte sans visa, pour se recueillir sur les tombes de ses grandes figures : Nasser, Saad El-Chazly et Heikal, rappelant qu’il entretient des liens humains et culturels avec de nombreux Égyptiens ayant contribué à l’essor éducatif et culturel de l’Algérie après l’indépendance.