
Un expert français soutient la demande légitime de l’Algérie pour la dépollution des déchets nucléaires
À l’approche du 65e anniversaire des essais nucléaires de Reggane, les conséquences de ces expérimentations françaises en Algérie continuent de susciter le débat. Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements en France, affirme que la demande répétée de l’Algérie pour la dépollution des sites contaminés est « totalement légitime ».
Dans une déclaration à l’APS, Bouveret souligne que « la demande des autorités algériennes de nettoyer les sites est indiscutablement importante et totalement justifiée », regrettant l’absence de responsabilité assumée par les autorités françaises.
Le responsable français a également rappelé la position du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui, lors d’un discours devant les deux chambres du Parlement en décembre dernier, a appelé la France à prendre en charge l’assainissement des zones affectées par ces essais nucléaires.
Tebboune : « Ne nous donnez pas d’argent, mais venez nettoyer vos déchets »
Patrice Bouveret a mis en avant l’un des principaux obstacles à ce processus : « l’absence de volonté politique des autorités françaises pour assumer concrètement les conséquences de leur politique nucléaire ». Il a rappelé la déclaration du président Tebboune : « Ne nous donnez pas d’argent, mais venez nettoyer les déchets que vous avez laissés ».
La loi Morin
Le directeur de l’Observatoire des armements a évoqué la loi Morin de 2010, censée permettre l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Toutefois, selon lui, « l’objectif réel de cette loi était de limiter le nombre de bénéficiaires des indemnisations ».
Bouveret a précisé que la loi, adoptée sous l’impulsion de l’ex-ministre de la Défense, a « parfaitement rempli son objectif en donnant l’illusion de prendre en compte les conséquences sanitaires des essais nucléaires, tout en réduisant au maximum le nombre de personnes pouvant prétendre à une indemnisation ».
Il a souligné le très faible nombre de bénéficiaires, notamment en Algérie, où seulement deux personnes ont été indemnisées jusqu’à présent. Il estime qu’« au-delà des actions parlementaires, le gouvernement français pourrait, par simple décret, élargir la liste des maladies ouvrant droit à indemnisation ou encore modifier les critères géographiques pour inclure davantage de victimes en Algérie ».
Les essais nucléaires de Reggane : une catastrophe environnementale et humaine
Les essais nucléaires menés par la France à Reggane, dans la wilaya d’Adrar, figurent parmi les crimes coloniaux les plus marquants, dont les effets sont encore visibles aujourd’hui à travers la propagation de maladies et de malformations congénitales.
Baptisée « Gerboise bleue », la première explosion nucléaire française a eu lieu le 13 février 1960, en pleine guerre froide, dans le but de renforcer les capacités militaires françaises.
Au total, la France a réalisé 17 essais nucléaires en Algérie entre 1960 et 1966, entraînant des conséquences environnementales et sanitaires graves et durables. De nombreux Algériens souffrent encore des effets de l’irradiation et du taux élevé de contamination radioactive dans ces régions.
L’Algérie a, à plusieurs reprises, exigé de la France qu’elle prenne ses responsabilités et procède au nettoyage des zones touchées. La dernière demande officielle en date remonte à janvier dernier, lorsque le Conseil de la Nation a exhorté la France à assumer « pleinement ses responsabilités historiques, éthiques et juridiques pour éliminer ces déchets radioactifs et reconnaître les dommages considérables causés à notre pays ainsi qu’aux habitants d’Adrar, Reggane, In Ekker et d’autres régions ».