
Massacres du 8 mai 1945 : la France enfin prête à affronter son passé colonial ?
Un groupe de députés français a présenté une nouvelle proposition de résolution demandant la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945, perpétrés par le colonialisme français dans plusieurs régions, notamment Sétif, Guelma et Kherrata.
Le projet de résolution souligne que les massacres du 8 mai 1945 constituent un moment tragique et décisif dans les histoires algérienne et française.
Il précise que ces massacres ont éclaté après la mort du jeune Algérien Bouzid Saâl, abattu pour avoir brandi le drapeau national algérien, alors que des milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement pour revendiquer l’égalité, la dignité et l’application des nouveaux principes universels proclamés par les Nations Unies.
Contre toute attente, ces revendications ont été accueillies par une répression sanglante et brutale de la part des autorités coloniales françaises, suivie d’une vague de répression organisée contre les manifestants désarmés, selon le texte.
D’après les députés, ces massacres ont duré plusieurs jours et fait des dizaines de milliers de victimes civiles, malgré les tentatives des autorités françaises de dissimuler les faits et de bloquer les travaux de la commission d’enquête qui devait être dirigée par le général Tubert.
Les députés citent notamment le témoignage du général français Duval, qui aurait déclaré : « Je vous ai donné dix ans de paix, mais tout doit changer en Algérie », une phrase perçue comme une reconnaissance implicite de l’ampleur du drame par les autorités militaires françaises, ainsi que de son rôle de tournant majeur dans les relations entre la France et l’Algérie.
Les députés français affirment que ces massacres ne constituaient pas des actes isolés, mais bien une punition collective méthodique, marquée notamment par des bombardements aériens et la destruction complète de villages.
Ils considèrent que ces massacres représentent un crime d’État par excellence, puisqu’ils ont été commis contre des civils désarmés sur ordre officiel.
Les propositions des députés sur les massacres du 8 mai
Les députés appellent à l’ouverture complète des archives françaises relatives aux événements du 8 mai 1945, afin de permettre aux chercheurs et au public d’accéder à la vérité historique et de déconstruire le récit du déni qui a perduré pendant des décennies.
Ils demandent également une condamnation explicite et officielle par l’Assemblée nationale française de ces massacres, ainsi qu’un hommage aux victimes et à leurs familles.
Les auteurs du projet insistent également sur l’importance d’inclure ces événements dans les programmes scolaires officiels.
Parmi les propositions figure aussi l’instauration d’une journée nationale officielle en France pour commémorer les victimes des massacres du 8 mai 1945, en tant que reconnaissance symbolique et politique de ce crime historique, et son inscription dans le calendrier des commémorations officielles de la République française.
Le projet de résolution souligne enfin la nécessité de renforcer la coopération entre l’Algérie et la France dans le domaine de l’histoire et de la mémoire, à travers le lancement de projets de recherche et d’initiatives conjointes permettant une véritable réconciliation fondée sur la vérité et la reconnaissance, plutôt que sur l’oubli et l’opacité.
Une délégation française composée d’une trentaine de personnalités politiques, dont des députés et des sénateurs représentant différents courants de la scène politique française, est actuellement en visite en Algérie.
Cette visite s’inscrit dans le cadre de la commémoration du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, selon le journal français Le Figaro, dans un geste inattendu qui intervient alors que les relations diplomatiques entre Paris et Alger connaissent de nouvelles tensions depuis plusieurs mois.
Dans ce contexte, l’historien français Benjamin Stora a écarté l’éventualité d’une reconnaissance par la France des massacres du 8 mai 1945 dans un avenir proche.
Il attribue cela à la domination actuelle des courants de droite sur la scène politique française, soulignant la brutalité des crimes commis par la France coloniale.
Stora a également exprimé des doutes quant à la possibilité d’adoption du projet de loi récemment présenté par des députés français en ce sens, invoquant l’absence de majorité au Parlement et la force de l’extrême droite, qui rejette toute reconnaissance du passé colonial.