
Guerre des tarifs douaniers : comment l’Algérie est-elle affectée par les nouvelles politiques de Trump ?
Le président américain Donald Trump a adopté de nouvelles politiques douanières qui ont concerné tous les pays du monde, y compris ceux proches de Washington.
La valeur des droits de douane imposés par l’administration américaine à l’Algérie est estimée à 30 %, un des taux les plus élevés parmi les pays arabes.
Dans un contexte de craintes quant aux répercussions mondiales des décisions de Trump sur l’économie mondiale, des interrogations se posent sur l’impact de ces décisions sur l’Algérie et son économie.
Pour répondre à ces questions, la plateforme "Awras" s’est entretenue avec Yacine Abidat, président du Centre algérien d’études économiques et de recherche sur les questions de développement local.
Un commerce limité
Le président du Centre algérien d’études économiques et de recherche sur les questions de développement local explique que les droits de douane imposés par le président américain Donald Trump ont engendré de fortes tensions commerciales, qui devraient s’intensifier avec les réactions attendues des pays touchés.
Les taux des droits imposés varient d’un pays à l’autre et ont atteint 30 % pour l’Algérie.
Yacine Abidat considère que ce taux est élevé par rapport à d’autres pays, en raison de la politique américaine basée sur une comparaison entre le niveau des droits imposés en retour et le déficit de la balance commerciale entre les deux pays.
Il poursuit : "En examinant les droits imposés sur les exportations américaines vers l’Algérie, on constate qu’ils sont élevés, notamment en l’absence d’un accord de libre-échange entre les deux pays et en raison de l’instauration par l’Algérie, depuis 2019, de droits de sauvegarde temporaires allant de 30 à 200 % sur plus de 1 000 produits, sous prétexte de protéger la production nationale et d’organiser le secteur des importations".
Il ajoute : "De plus, il existe un déficit américain dans le volume des échanges commerciaux, qui s’élève à 3,5 milliards de dollars en faveur de l’Algérie, avec plus de 2,5 milliards de dollars d’exportations, en raison de la forte demande américaine de pétrole et de gaz algérien".
Quel impact ?
Le président du Centre algérien d’études économiques et de recherche sur les questions de développement local affirme que l’impact de ces droits de douane sera limité, étant donné que les exportations d’hydrocarbures, comme le pétrole et le gaz, ne sont pas concernées, car elles sont soumises aux marchés boursiers internationaux et à des contrats de moyen et long terme.
En revanche, il estime que les exportations hors hydrocarbures, qui concernent principalement le fer, le ciment et les dattes, seront peu affectées, leur valeur étant faible par rapport aux exportations d’autres pays, qui atteignent plusieurs milliards de dollars.
Notre interlocuteur souligne que l’Algérie peut trouver des alternatives et se tourner vers d’autres marchés, notamment ceux avec lesquels elle a des accords de libre-échange, comme l’Union européenne ou les pays membres de la Zone de libre-échange continentale africaine.
Abidat insiste sur le fait que les intérêts entre les deux pays nécessitent une coordination et des négociations pour trouver une formule commune qui protège les droits et intérêts des deux parties.
Il ajoute : "C’est dans cette optique que le président américain a appelé tous les pays du monde à entamer des négociations en vue d’une réduction réciproque des droits de douane".
Qu’en est-il des investissements américains en Algérie ?
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a salué la dynamique positive que connaît le partenariat bilatéral dans divers domaines, exprimant sa volonté de travailler avec le président américain élu, Donald Trump, afin de le renforcer davantage dans l’intérêt des deux pays.
L’Algérie n’a pas caché son désir d’attirer les investissements américains, notamment après l’adoption d’une nouvelle loi sur l’investissement.
De son côté, l’imposition par l’administration américaine de droits de douane supplémentaires n’aura pas d’impact sur ses investissements en Algérie.
Yacine Abidat souligne que ces mesures concernent uniquement le secteur des exportations et n’ont aucun lien avec les investissements directs américains.
Il déclare : "Avec le nouveau cadre juridique de l’investissement, l’Algérie est devenue une destination attrayante et compétitive pour les entreprises américaines, notamment dans le domaine de l’énergie et des énergies renouvelables. Elle est considérée comme un partenaire stratégique en raison de ses vastes réserves de gaz, de son immense potentiel solaire et de l’hydrogène vert, qui représente un secteur prometteur pour l’investissement".
Le même expert économique indique que plusieurs entreprises américaines investissant en Algérie, telles que Chevron, ExxonMobil, General Electric et Halliburton, peuvent faire bénéficier le pays de leur expertise, notamment dans le domaine du transfert de technologie.
Il considère que plusieurs secteurs attractifs et prometteurs s’ouvrent aux entreprises américaines en Algérie, comme les infrastructures, la logistique, les industries manufacturières, en particulier les industries mécaniques, pétrochimiques et agroalimentaires, ainsi que l’industrie pharmaceutique et l’agriculture saharienne.
Il souligne que l’amélioration du climat des affaires en Algérie et les garanties et avantages compétitifs offerts aux investisseurs étrangers, notamment la suppression de la règle 49/51, la garantie de la liberté de transfert des bénéfices, la protection de la propriété intellectuelle, l’accompagnement administratif et la mise à disposition de terrains industriels aménagés, sont des facteurs attractifs pour les investissements américains.
Une opportunité précieuse
Certains pays parviennent à tirer profit des crises mondiales et à en bénéficier d’une manière ou d’une autre, tandis que d’autres en deviennent les victimes.
Yacine Abidat souligne que les décisions unilatérales du président américain d’imposer des droits de douane et des restrictions commerciales à certains pays ont ébranlé les fondements du système commercial international et menacent l’un des piliers essentiels du capitalisme, à savoir la liberté du commerce.
Selon lui, avec l’intensification des tensions commerciales, qui risquent de se transformer en une guerre commerciale ouverte en raison des réactions et des mesures de rétorsion, les entreprises seront contraintes de chercher de nouveaux marchés.
Cela représente une grande opportunité pour l’Algérie d’attirer des investissements étrangers directs, d’autant plus que le climat des affaires s’est amélioré grâce à l’application du nouveau cadre juridique de l’investissement et aux efforts considérables déployés par l’Agence algérienne de promotion des investissements pour mettre en avant les opportunités attractives et prometteuses.
L’adaptation, une nécessité absolue
Les transformations mondiales imposent au gouvernement algérien de trouver un mécanisme efficace pour s’adapter aux nouvelles politiques économiques et aux changements enregistrés.
À cet égard, Yacine Abidat affirme que l’Algérie doit œuvrer pour être un acteur du système économique mondial dans ses différentes dimensions financières, monétaires et commerciales.
Il souligne que cela exige une approche réfléchie combinant réformes internes, ouverture économique planifiée et renforcement de la compétitivité de l’économie nationale.
Il conclut : "La situation exige de diversifier l’économie nationale au-delà de la rente pétrolière, d’améliorer le climat des affaires, d’encourager les investissements locaux et étrangers et de se concentrer sur les secteurs prioritaires pour le développement économique.
Il est également essentiel d’adopter une position stratégique dans les conflits commerciaux et d’en tirer profit pour attirer les investissements étrangers, de signer des accords de libre-échange bilatéraux ou multilatéraux, d’améliorer les infrastructures et de renforcer la numérisation, sans oublier de promouvoir une diplomatie économique active au service des intérêts nationaux".